La séquence à zombie ‘zebuth
Comme je l’ai déjà fait par le passé (voir ici) (), voici une séquence décortiquée par votre serviteur, séquence que je considère comme remarquable, issue d’un film absolument génial, et interprétée par un Robert Carlyle en très grande forme
Le film s’intitule « 28 semaines plus tard ».
C’est une séquelle d’un film de genre, d’un film de zombies, britannique, qui se nommait « 28 jours plus tard », racontant comment l’Angleterre faisait face à une épidémie de "rage" humaine et comment l’Albion sombrait en 28 jours dans le chaos et le "no (living) man’s land".
L’action au début de notre film nous présente un groupe de cinq survivants, cloîtrés et calfeutrés en plein jour dans un cottage en pleine campagne. Parmi les cinq se trouvent Don et son épouse Alice, qui devisent dans la cuisine, autour d’une pauvre conserve à réchauffer, sur la chance qu’il ont eu que leurs enfants soient en voyage loin d’Angleterre lorsque l’épidémie se déclara.
Quelques minutes après, un enfant tambourine et hurle à l’aide. Ils le recueillent, et ont à peine le temps d’apprendre son histoire, qu’une horde de contaminés fait irruption et se rue sur les malheureux survivants. Alice, recouvrant un rôle de mère spontanément, se précipite à l’étage avec le gosse et se retrouve séparée de son mari qui tabasse comme il peut du zombie.
Quand il monte la rejoindre, il a un temps d’hésitation dans la confusion, demande à sa femme de laisser le gosse qui se cache pour sauver leur peau, elle refuse, ce qui se révèle funeste et contraint Don à se défenestrer et abandonner là sa femme à son sort, ne pouvant plus rien pour elle, ou tentant du moins de s’en convaincre. Il ne lui reste plus qu’à courir dans une séquence démentielle, rythmée sur une musique incroyablement juste, avec une alternance de cadrage que je ne vais pas décortiquer ici car je ne vais pas décomposer tout le film non plus…
La séquence que je décrypte se situe précisément à la 20ème minute du film, plusieurs semaines après les évènements sus décrits.
Don vient de récupérer ses enfants, de retours dans une ville de Londres qui tente de renaître après les dramatiques évènements des semaines passées. Il leur explique ce qu’il fait (« Je mène la barque ici » argue-t-il fièrement pour parler de son rôle de chef de secteur, en leur présentant son badge d’accès toutes zones), et où ils vont désormais vivre.
Dernier sourire pour la route :
Ce plan avec sa gamine en arrière est le dernier où l’on voit Don sourire. Je le trouve intéressant car il tranche avec le masque qu’il va endosser dans les secondes qui suivent.
"Tu vas nous raconter ce qui est arrivé à maman ?" Demande son fils
Nous nous sommes éloigné du père pour un plan des trois protagonistes, le situant lui au milieu de ses 2 enfants, le plan d’après nous ramène à lui ; il ne sourit plus.
Gros plan sur un visage qui s’assombrit, il tarde à répondre un « oui » du bout des lèvres, c’est la tempête sous un crâne.
Plan de situation, vue du plafond qui écrase nos personnages tout en nous indiquant leur nouveau positionnement dans la pièce, 2 face à 1, position qui ne changera plus jusqu’à la fin de la séquence.
un plan rapide que j’aime assez. Le jeté de badge sur la table basse, celui-là même qu’il arborait fièrement 2 minutes plus tôt en déclarant « Je mène la barque ici », signe délicat qu’ici, maintenant, il ne mène rien, il redevient le père qu’il est, avec d’embarrassantes explications à livrer.
Démarre alors une alternance de champs, contre-champs, passant de lui à eux.
On constate un première chose frappante, il ne regarde plus ses gosses en parlant.
Il regarde soit ses pieds, refusant ainsi d’affronter le regards des orphelins de mère, soit de manière oblique comme le font les personnes qui cherchent à se rappeler (ou inventer) une histoire.
Il dit alors au cours de sa narration « …on essayait de rester en vie… », on bascule sur le champs opposé, pour apprécier l’attitude des "auditeurs". L’aînée écoute froidement, le fils semble plus affecté.
« …et puis on a été attaqué »
Jusqu’ici la narration de Don fut exempte de flash-back (car il ne mentait pas), ce qui va désormais changer, avec des images éclairs de ce qui s’est passé. Ce changement va permettre de mettre en opposition les propos tenus par Don à ses enfants dans les plans "appartement", avec une autre réalité des faits rappelée en images.
Retour à Don, toujours le regard fuyant… gros mensonges en perspective.
Plan de panique sur son épouse Alice, où l’on peut d’ailleurs admirer ses ravissants yeux verrons, ce qui revêtira une certaine importance par la suite. Nous sommes toujours dans des plans déjà-vu illustrant la narration de Don.
Début de boule dans la gorge, excellent travail de Robert Carlyle notez, où le père retient des sanglots auxquels on a du mal à croire
« Je les ai vu mordre Alice » lache-t-il, ce qui est parfaitement faux. On a alors un nouveau plan sur les gosses, pour voir leur réaction et s’ils "achètent" ce 1er mensonge éhonté.
« J’ai essayé de revenir » ment-il à nouveau,
« …mais c’était déjà fini »
et vlan, plan sur sa femme qui hurle derrière la fenêtre à l’étage, alors que lui cours comme un dératé dans la plaine. Il ment odieusement et l’image est là pour nous le rappeler de la manière la plus éloquente qui soit.
plan travelling sur les gosses, d’elle à lui, en prenant le temps d’observer leur accablement, et le fils lâche :
« T’as rien pu faire du tout ? ». Voilà qui va contraindre Don à mentir à nouveau.
Réponse : « J’ai rien pu faire du tout », avec un plan sur lui le disant, un plan de lui courant comme un lièvre, rappelant qu’il n’a rien essayé du tout.
Mon plan préféré, d’une justesse d’interprétation subtile, avec un regard, une moue et la main nerveuse portée à la bouche… tout dans l’attitude transpire l’homme qui tente de jauger si son récit est accepté en l’état.
Sa fille déclare : « Nous on s’estime heureux que tu soit encore en vie », ce qui à la fois entérine le récit mensonger, finit d’enterrer la mère dont les enfants font le deuil en s’accrochant à celui qui reste.
De voir son histoire achetée, de se remémorer l’horreur vécue, et du soulagement d’en avoir fini avec cette épreuve, Don ouvre les vannes et pleure.
« Je suis désolé » lâche-t-il, sans qu’on sache à qui il adresse cette excuse, de ses enfants à qui il ment, ou de sa femme qu'il n'a pas su sauver…
…et vlan, comme un coup de poing à l’estomac, le réalisateur nous affiche, accompagné d’un stress sonore dramatique, ce plan final de 2 secondes, inédit jusqu'alors, où Alice jette un regard on ne peut plus accusateur, image de la femme sacrifiée dont on vient de salir la mémoire en trichant sur la réalité de son trépas. Plan qui dit – toi mon p’tit père, tu ne l’emmèneras pas au paradis ton histoire…
Voilà,
Je recommande chaudement de découvrir ce film réalisé par Juan Carlos Fresnadillo, car il est excellent, nonobstant le fait qu’il faille supporter la vue du sang. Si le film de zombie s’est vu remettre ses lettres de noblesses aux Etats-Unis dans les années 70, l’Angleterre (Dead Set, 28 days later, 28 weeks later) et l’Espagne (Rec) donnent un second souffle à ce genre délicieux pour qui aime la viande rouge coincée entre les chicots.