Hippocrate, hypocrites et consorts

Publié le par Folzebuth

Hop, encore un sujet tartine sur lequel j’aime répandre ma bile lorsqu’il est abordé en société, mais qui n’avait encore pas fait l’objet d’un billet ici.
C’est parti…

Hier, j’ai amené mon fils se faire vacciner chez le pédiatre.
Mon épouse, prévoyante et se conformant à l’usage imposé communément appelé "la prise de rendez-vous", nous avait casé sur un 18h auquel je me conformais précisément, accompagné de ma fille, de mon fils et d’un sac à merdier contenant en vrac, du change-à-cul, des fringues, du lait-à-fesses, un carnet de santé etc…
C’est donc encombré de ce barda - avec le fils dans un Cosi* et la fille remontée comme une montre car sa journée écoulée ne lui avait offert que peu d’occasion de se dépenser – que je me présentais à 18h précise, car j’aime la ponctualité et les harengs pomme à l’huile.

*Pour le lecteur n’étant pas encore initié aux joies de la paternité, Cosi est l’abréviation de Maxi-Cosi, sorte de bassine avec molleton et harnais incorporé servant au transport automobile de la marmaille jusqu’à 12 mois (voire un peu moins de 12 si tu as fait un gros loukoum) ; le Cosi en tant que marque est au siège auto ce que le frigidaire est au réfrigérateur.

Sans surprise, la secrétaire m’indiqua la voie de la salle d’attente, je dis sans surprise car j’ai trop conscience du côté pathologique de mon respect de la ponctualité pour exiger la même chose du reste du monde, et qu’un léger retard sur l’horaire prévu de la part du professionnel peut aisément s’expliquer par un patient délicat à traiter avant nous.
Je ne peux pour autant m’empêcher la réflexion suivante : c’est amusant de voir que la médecine est pratiquement le seul corps de métier ayant institutionnalisé l’attente ; j’en veux pour preuve que pas un cabinet médical en France ou ailleurs ne dispose pas de salle d’attente. C’est tellement entré dans les mœurs que ça ne choque plus personne, comme se servir soi-même à la pompe (d’une station pourtant en difficulté face à l’hyper d’en face qui brade le gasoil) ou débarrasser son plateau dans un fast-food… ça fait partie du tableau.
A ce sujet, tu peux trouver de la lecture gracieusement mise à ta disposition dans les salles d’attente ; ce genre de presse que personne n’achète mais qui se vend très bien, dans laquelle on nous raconte par le menu le quotidien de gens qui ne sont pas comme nous, le cul sur une chaise à attendre qu’on s’occupe de nous ; des gens qui n’ont qu’à claquer une liasse en affichant leur notoriété pour simplifier à l’extrême les démarches administratives pour adopter à l’étranger. Toi qui lit Gala ou Match dans ta salle d’attente, c’est aussi sous le signe de l’attente que tes démarches d’adoption se feront, interminable attente (spéciale dédicace affectueuse à des cousins de moi qui n’ont pas la « chance » de s’appeler Brad ou Angelina). Mais je digresse.

19h20, c’est l’heure à laquelle le pédiatre nous a reçus…
Nous avions rendez-vous.

La veille, visite chez le généraliste pour la fille, salle d’attente bondée, même magazines à disposition (seule l’année de parution change d’un cabinet à l’autre) : 1h d’attente, consultation sans rendez-vous.

Une première constatation s’impose : il vaut mieux, si l’on est pressé, allez chez le généraliste que chez le spécialiste, ce dernier se positionnant assez mal sur l’échelle de la durée d’attente.
Secundo, le fait de prendre rendez-vous chez le spécialiste n’est en aucun cas une garantie de passage à l’heure indiquée, c’est juste une garantie qu’il ne sera pas en congé le jour où vous présenterez, point barre.

L’hiver dernier, j’ai appelé pour prendre rendez-vous avec un ophtalmologiste afin qu’il fasse un check-up oculaire complet de la marmaille. Rendez-vous positionné dans sa grille d’agenda un trimestre plus tard…

Pour autant, les 3 praticiens s’étant comportés de manière professionnelle, cordiale et humaine, ce n’est pas à eux que j’adresse ma grogne…

…ça vient…


Ceux qui me connaissent me voient venir de loin dans mes pompes sur ce sujet consternant d’évidence crasse et de bêtise humaine.
Tu sais ce que c’est le Numerus clausus ? C’est du latin, ça fait de suite plus sérieux, universitaire, et surtout moins compréhensible que "barrage filtrant" ou "robinet coupé". Cela signifie "Nombre fermé". C’est une idée brillante d’une ministre de la santé en 71, Mme Simone WEIL, plus connue et ce n’est pas dommage, pour son combat pour l’avortement libre des femmes en France, ce qui lui valait à juste titre une côte de popularité significative auprès de la population (j’utilise l’imparfait car son dernier engagement auprès d’un candidat aux élections présidentielles a un poil fait chuter cette côte auprès de l’électorat de gauche).
Le principe est tout simple : réduire l’accès à la profession médicale dans son ensemble par le biais d’un concours au nombre d’admissibles très restreint.
Ça, c’est la partie simple.
Le plus complexe est ensuite d’arriver à comprendre le pourquoi de la chose, de manière objective et cartésienne.
Avant d’en arriver à ce que je crois être l’explication la plus plausible, faisons un exercice de logique basique :
A/ Le baby-boom est une période de l’histoire affichant dans de nombreux pays une explosion démographique suite au dernier conflit mondial, donc de la fin des années 40, au début des années 60.
B/ Toute cette jeunesse fringante a eu autour de vingt piges autour des années 65, 70, et a pu accéder de manière libre aux professions médicale, puisque l’étranglement en début de cycle d’étude n’existait pas.
C/ Toute cette jeunesse fringante commence aujourd’hui à flirter avec les soixante balais, c’est ce qui arrive quand le temps passe… la retraite n’est donc plus très loin. La retraite, c’est quand on ne travaille plus ; patienter dans une salle d’attente d’un praticien à la retraite peut durer une éternité, méfiez-vous.
D/ Dans l’intervalle B et C a sévit Mme WEIL, le nombre de médecin formés chaque années étant depuis sévèrement comprimé (non effervescent).

Je ne suis pas quelqu’un de bien malin. Pas fait de longue étude, suis d’une intelligence et d’une vivacité d’esprit qui n’impressionne que moi, et encore pas tous les jours. Mais sauf erreur de ma part, il me semble que prendre en considération les points avérés et évoqués ci-dessus propose une perspective alarmante d’un point de vue démographie médicale pour les 10 ans à venir…
Ch’uis pas ministre, ch’uis pas médecin, j’ai même pas mon brevet de secouriste, mais ça fait à peu près 15 ans que je dis à qui veut bien m’écouter qu’on se dirige vers une crise majeure de la disponibilité du personnel médical (notamment en province chez les bouseux dont je fais partie), sur la base de ces simples éléments de A à D.

Et tout ceci pour quoi ? Quelle est donc la finalité de ce Numerus clausus impitoyable et destructeur de vocations.
A ce stade, on sort du rapport de faits incontestables pour rentrer dans le domaine de l’appréciation personnelle, colérique et sujette à controverse.

Tout d’abord par élitisme nauséabond ; afin que la profession médicale demeure noble et sur piédestal aux yeux de tous. La médecine, c’est pas un métier de con. Si trop de monde arrive à exercer, la profession se banalise, comme le boucher ou le vendeur de fripes. Qui voudrait voir son sacerdoce obtenu sous serment d’Hippocrate face aux yeux embués de sa famille et du jury émérite, ramené au rang de simple gagne-pain pour bachelier +5 quelconque ?

Ensuite pour de basses raisons pécuniaires ; moins il y a de docteurs, plus ils sont obligés de bosser (une théorie fumiste que j’ai lu sur internet prétendrait que moins il y a de médecins, moins les gens consulteraient… tu parles d’une connerie). Plus ils sont obligés de bosser, ben plus ils gagnent, c’est tout con. Dans certains pays ou les professions médicales et paramédicales ne sont pas protégées, il y a un marché de l'emploi médical bien plus libre, avec du chômage, et ceci est tout bonnement inenvisageable par un conseil de l’ordre hexagonal veillant au grain.

L’argument le plus frappant militant en faveur de mon avis sur le sujet, et de lire sur internet le contenu justifiant l’existence du Numerus clausus, c’est à tomber à la renverse :
Le numerus clausus est mis en place pour plusieurs raisons :
  • ·Réguler le nombre de professionnels diplômés donc le nombre de professionnels en activité.
  • ·Limiter le nombre d'étudiants dans des filières avec beaucoup de stages, dont la qualité serait amoindrie par un surnombre (une des raisons du numerus clausus médical en France est l'externat obligatoire pour tous les étudiants).
  • ·Dans une bien moindre mesure, assurer une capacité de travail et de mémorisation minimale par une sélection drastique, dans l'optique d'études longues et difficiles.

Réguler le nombre de professionnels m’explique ce que le Numérus Clausus fait, il relate la conséquence de sa mise en place, pas le pourquoi…
Ça revient à répondre "Pour aller plus vite" quand quelqu’un te demande pourquoi tu accélères ? C’est prendre le questionneur pour un con. Une réponse claire et honnête serait : "Parce qu’on est en retard" ou "Parce que j’aime la vitesse".

Éviter le surnombre et la perte de qualité qui en découlerait. OK, donc là on me prend bien pour un abruti. Les examens ne serviraient donc pas à sanctionner ceux qui sont bon de ceux qui ne retiennent rien, c’est juste que si les étudiants sont trop nombreux en TP, ils seront de mauvais médecins. C’est puant de malhonnêteté.

Le troisième point a le mérite d’être clair et franc ; on cherche des bêtes à concours.

Pour conclure, je pose une simple question ; si cette sélection drastique a pour vocation d’améliorer le niveau de compétence des praticiens en activité, en diminuant l’effectif en cours et lors des stages, tout en triant sur le volet l’élite estudiantine, la crème de ce qui se fait de meilleur comme machine à apprendre, que faut-il penser des médecins déjà en activité, les quinquagénaires qui ont eu le titre de docteur sans passer ce concours ? Ce sont sans doute des mauvais, enfin j’imagine…

A quoi sert un Numerus clausus à l’entrée des facs de médecine si concomitamment, la France fait venir de l’étranger des médecins pour pallier au manque d’effectif dû à ce même Numerus clausus, médecins de l’étranger qui souvent n’ont pas eu a franchir ce type de barrage, et qui sont de facto des praticiens de médiocre qualité à l’instar des quinqua de chez nous susnommés.

J’en connais un qui va encore me rétorquer que mes arguments ne sont dictés que par une rancœur aigre due à un échec en PCEM1 il y a de ça moult années, je ne résiste pas au plaisir de lui couper l’herbe sous pied en lui rétorquant - Bien sûr que oui !!! Ce serait insulter votre intelligence que d’essayer de vous faire gober le contraire.
Les arguments évoqués ci-dessus n’en demeurent pas moins vrais.

Folzebuth

Publié dans Colère

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S
<br /> Tout à fait d'accord.<br /> <br /> <br /> Moi Folzebuth je l'aime de toutes façons.<br /> <br /> <br /> Comment ça je suis pas constructif ? Je suis pas maçon moi faut arrêter.<br /> <br /> <br /> Allez, pour fêter ça (de quoi ?), je vais ouvrir un petit chaton médecin en deux et lire dans ses trippes le météoroscope.<br /> <br /> <br /> Il fera froid sur tout l'ouest des professions médicales tant qu'on aura pas démantelé un conseil des médecins vieillissant et incapable d'assumer ses fonctions en toute impartialité, sans<br /> parler du manque de logique et d'honnêteté...<br /> <br /> <br /> Bonne journée dans le froid.<br />
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E
La vraie réponse à la question : Pour protéger la profession, garantir aux futurs professionnels des conditions financières d’activité suffisamment incitatives pour rendre cette filière, que chacun sait longue et périlleuses, assez attractive. <br /> Question : est-il vraiment besoin de ça pour rendre la filière attractive ? L’allègement progressif du numerus clausus devrait en effet selon moi pouvoir être envisagé sans affaiblir cette filière d’étude. <br /> Les problèmes que cela pose dans l’immédiat (outre l’ire de Zourglub)  : dans un secteur de fait non concurrentiel, les jeunes professionnels peuvent se permettre de faire le choix de la spécialité et du secteur géographique d’activité.  Conséquences : pénurie chez les anesthésistes ; et en Corrèze, quand 6 toubibs partent en retraite, c’est sur la même période un seul jeune médecin qui s’installe. <br /> <br /> Enfin, et s’agissant de dentiste, une anecdote : Partageant les mêmes convictions que Zorgueuleub sur les vertus de la ponctualité, j’avais après plusieurs essais retenu les services d’un dentiste qui avait pour immense mérite de me prendre toujours à l’heure (ce qui était assez facile, puisqu’il n’y avait jamais que moi dans sa salle d’attente). Mais après qu’il m’ait reconvoqué 7 fois pour une carie bénigne pourtant traitée en deux séances (les suivantes ont été « pour vérifier », puis pour « contrôler », puis pour je ne sais quoi, …) j’ai fini par le dénoncer à la CPAM (en signant mon courrier). Depuis, j’ai retrouvé un praticien honnête, et je fais la queue dans sa salle d’attente.
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S
Puisque ce post ne vise qu'à une chose, tailler un short très court au corps médical dans son ensemble, je me permets de construire une maison de caca sur mon dentiste poitevin qui, après m'avoir reçu avec presque 30 minutes de retard, m'annonce fierement que j'ai deux carries et qu'une radio est nécessaire pour mes dents de sagesse... Et c'est tout... IL NE M'A MÊME PAS SOIGNE MES CARRIES CE MANGE MERDE!!!!!!!!!<br /> 22 € dans l'anu... Merci au revoir 
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X
Que celui qui connait un pédiatre  ou un généraliste (ou tout autre membre du corps médical) qui respecte les heures de rendez vous, le dénonce ici  pour qu'il soit pendu, fouetté aux orties fraiches et offert en pâture à ses collègues de profession !
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